En ce moment, j’aime regarder les gens. Ils se baladent, bavardent, sourient, pensent, font milles gestes si banals qu’on se demande comment ils les font. Il y a tellement de délicatesse dans leurs gestes, de retenue et de simplicité. Comme un petit je-ne-sais-quoi qui vous fait dire que la vie est quand même bien belle. Alors on avance, on suit le petit bonhomme qui marche devant soi.

Je ne sais plus qui m’avait dit cela "tu as perdu ton chemin, suis le chemin des autres, tu reprendras le tien un peu plus tard ". Alors, j’attends. J’attends que mon chemin se retrace à nouveau. Pour le moment il est parallèle à je-ne-sais-qui. Mais il suit quelqu’un. Peut-être Amaury. Peut-être Claire. Ou peut-être une masse, un groupe. En tout cas, je suis.

Je n’ai pas du prendre une vraie décision depuis deux semaines. Cela prouve bien, que je suis, que je subis. Pour manger, je suis ma mère, pour dormir, je suis mon chat. Je deviens automatique. Comme les passants que je regarde si souvent.

Régulièrement, je suis assise sur un banc. Je regarde. J’observe. Une petite fille passe. Je la trouve toujours magnifique. Elle me regarde, je lui souris, et puis je lui tire la langue. Elle me répond et puis le clin d’œil, la joie. Elle rit. Je ne pourrais pas vivre sans enfant. Les enfants sont tellement la beauté même. J’aurais tellement eu envie d’avoir cet enfant… Cet enfant de l’amour, cet enfant que je vois dans mes rêves. Mais ma raison reprend toujours le dessus. Je dois lui offrir le meilleur et travailler dure pour avoir une belle vie. Mais j’ai peur qu’en grandissant encore un peu, je devienne égoïste comme la plupart de mes camarades Terriens. J’ai peur de ne plus aimer l’enfance.

Beaucoup de choses me révoltent. Des comportement surtout. Des comportements qui ne devraient pas exister et qui existent chez certaines personnes, certains enfants. Je considère enfant la plupart des adolescents et des jeunes adultes. Ce n’est pas avec 20 ans de vies que vous pouvez donner des leçons. On est adulte, quand la masse nous voit comme Adulte. Et puis, notre mental s’adapte et on réagit par rapport aux autres. C’est cela devenir adulte. C’est répondre aux attentes de l’autre. Etre adulte, c’est oublier les plaisirs simples. Ainsi je connais une bonne dizaine de personnes dîtes "adultes " qui sont des enfants. Mon père. Ma sœur. Cette prof. Ils n’ont plus 20 ans. Mais ils ont gardé cette étincelle que je vois chez cette petite fille. J’aimerai toujours garder mon innocence.

Mais je ne peux pas. J’ai vu trop de choses, j’ai appris bien trop vite. Alors quand je vois cet enfant de 13 ans, qui se prend pour une adulte, je crois qu’un rictus se voit sur mon visage. Un mélange de douleur et de pitié.

Est ce bien normal qu’une gamine de 13 ans mette des strings, s’habille avec des habits de femmes, se maquille à outrance, et oublie de dire "merci " ? Est-ce bien normal, de rencontrer une petite fille de 7 ans qui, de toute sa fierté, me demande si je vais coucher avec mon copain ? Est ce bien normal de voir ces jeunes la cigarette à la bouche, la bouteille à la main ? Est ce bien normal qu’on parle de sexe comme si c’était une chose facile, comme si c’était comme manger un sandwich ? Est ce bien normal qu’on touche son premier joint à 15 ans ?

Alors, non, Maman, à ton époque ce n’était pas comme ça. Je n’ai pas choisi mon époque, personne ne le fait. Peut-être que je ne vis pas vraiment avec mon temps.

Je suis peu à peu dégoûtée. Première cuite à 16 ans. Première fois de même. Je ne suis pas fière. Loin de là. Je crois même que j’ai honte d’avoir suivi la masse. D’avoir mis mon chemin au service des autres.

J’aurais aimer être cet enfant, si innocente, si insouciante, qui n’a pas vu ce que c’était la drogue, qui n’a pas vu des amis partir, qui ne comprend jamais ce que c’est la souffrance de l’Amour. J’aimerais être l’Enfant que j’ai perdu. Ce petit Moi si fragile, qui aurait aimer avoir des bras pour la réconforter. Des bras qui lui montre son chemin.